Le bandonéon
... appelé aussi « el fueye », le souffleur.
Il a été inventé par un Allemand au milieu du 19e siècle, pour remplacer les orgues des petites églises qui en étaient dépourvues. Il serait peut-être déjà arrivé à Buenos Aires en 1863, dans les bagages d'un Suisse, ou en 1870 par un Brésilien, ou un Anglais en 1884. Il semblerait aussi qu'un marin allemand en ait vendu en 1900 à La Boca (quartier portuaire de Buenos Aires, lieu mythique de la naissance du tango).
Peu importe !
En 1910, il avait conquis le tango et trouvait sa place dans tous les orchestres, où il remplaça la flûte, depuis le trio (violon, bandonéon et piano) jusqu'aux grands orchestres qui comptaient cinq ou six bandonéonistes. Il module ses sonorités comme une voix humaine peut le faire : “la voz del tango”.
extrait musical de l'album "Calvacata"* : Oblivion
En comparant au jazz, le saxophone a le même rôle ; ces deux instruments sont pleinement liés à leur musique.
Instrument d'un grande complexité, le bandonéon se joue en tirant et en poussant le soufflet, chacun de la septantaine de boutons donnant alors un son différent. La disposition des boutons permet un jeu sur plusieurs octaves avec une seule main.
Le bandonéon exprimera très vite la mélancolie, celle des émigrés dont les rêves de fortune s'évanouissent, confrontés à l'une ou l'autre crise, toujours présente.
Avant l'arrivée du bandonéon, le rythme du tango était plus rapide, proche de la habanera. Comme cet instrument est complexe à jouer, permettant un jeu moins rapide qu'avec une flûte, il est probable que le rythme du tango en fut ralenti, donnant un son plus traînant.
Les chefs d'orchestre étaient souvent des bandonéonistes
Parmi eux, aux débuts, Gerardo Matos Rodriguez (1897-1948), qui créa "La cumparsita" en 1916 ; Domingo Santa Cruz (1884-1971) : "Unión cívica" en 1910 ; Genaro Esposito dit “Tano Genaro”* qui joua surtout à Paris et dont l'orchestre comprit Roberto Firpo* et Juan-Carlos Cobian* ; Juan “Pacho” Maglio* : connu pour le tango "Armenonville"* du nom d'un célèbre cabaret de Buenos Aires ; Vicente Greco* dont l'orchestre comprit Francisco Canaro* à ses débuts ; et surtout Eduardo Arolas*, El Tigre del Bandonéon, qui écrivit plusieurs tangos encore repris dans toutes les milongas (bals où on danse le tango) d'aujourd'hui, entre autres "La cachila"*, "Retintin"*, "El Marne"*, "Una noche de garufa"*.
Plus tard, parmi ceux qui ont marqué, il y eut Pedro Maffia* (1900-1967), Ciriaco Ortiz* (1908-1970), Anibal Troilo* surnommé “Pichuco” (1914-1975), Leopoldo Federico (1927- ) et bien sûr Astor Piazzolla (1921-1992).
De notre époque, citons-en quelques-uns des plus connus et confirmés, Osvaldo Piro*, Cesar Stroscio*, Nestor Marconi*, Juan José Mosalini*, Luis Stazo* et José Libertella* du Sexteto Mayor*, sans oublier Roberto Álvarez de l'orchestre Color Tango* qui était premier bandonéoniste de l'orchestre de Pugliese.
Et, de l'actuelle génération, de nouveaux talents s'affirment chaque jour d'avantage…
A suivre !