Quelques repères historiques

 

1516 : découverte de l’estuaire du Rio de la Plata par Juan Dias de Solis, envoyé par Charles-Quint pour trouver une route maritime plus courte vers l’Asie.

1536 : Pedro de Mendoza fonde le port de Nuestra Señora Santa Maria del Buen Aire.
Harcelés par les Indiens, les colons évacuent la région au bout de cinq ans, après avoir brûlé leurs maisons.

1555 : à Asunción, colonie au nord, sur le fleuve Paraná, deux Portugais débarquent avec une dizaine de vaches hollandaises et un taureau… Ils ont la Pampa comme pâturage !  

Missions jésuites chez les Indiens Guaranís : le communisme avant la lettre

Á cheval entre les colonies portugaises et espagnoles, pour lutter contre l'esclavage des indiens Guaranis, les moines jésuites les regroupent dans des “réductions” (du latin reducere), tant pour les protéger que les christianniser. Ces mini-sociétés étaient organisées en mode communautaire, dans le respect de la culture guaraní. Une trentaine de ces villages-missions était implantée dans la province de Misiones et regroupait 100.000 indiens. N'étant ni du goût de l'Eglise catholique, ni de celle des états coloniaux, après quelques années de guerre, les jésuites sont expulsés en 1768 et les missions sont détruites peu après.  

1580 : Juan Garay fait renaître de ses cendres la cité de Buenos Aires, dans la nécessité qu’a la région d’avoir une ouverture vers la mer.
Le plan actuel de la ville est dessiné à cette époque : un damier coupé de deux diagonales.
Du fait de la juridiction du vice-roi du Pérou – l’Amérique latine étant presque entièrement colonie espagnole
tout commerce doit passer par le port de Lima. Il s’ensuit une contrebande, devenant vite fructueuse, au profit des aristocrates de Buenos Aires – les Porteños. Ce qui a pour effet d’ouvrir le port au commerce extérieur. Et le pouvoir colonisateur est forcé d'instaurer une vice-royauté du Rio de la Plata pour ne pas en perdre les plantureux bénéfices.

Les idées révolutionnaires de 1789 traversent l’Atlantique et renforcent les vues d’indépendance de toutes les colonies sud-américaines. Des libérateurs se lèvent : José de San Martín avec Manuel Belgrano en Argentine d’une part, Simón Bolivar au Venezuela d’autre part.

«En el último rincón de la Tierra en que me halle estaré pronto a sacrificar mi existencia por la libertad». Inscription sur le monument offert par la ville de Buenos Aires en reconnaissance à l'hospitalité offerte à  José de San Martín. Il y vécut entre 1824 et 1831. Ce monument se trouve (un peu perdu) au croisement de l'avenue de Tervuren et du boulevard de la Woluwe à Bruxelles.

1816 : indépendance de l’Argentine… et début des temps de troubles !
Opposition entre la bourgeoisie rurale et celle de Buenos Aires. Les uns, propriétaires d’immenses domaines, refusant de payer des taxes pour écouler viande, cuir et textile via le port; les autres, les Porteños, tournés vers l’extérieur, vers l’Europe principalement et vers Paris dont la culture les fascine.
La société argentine se compose alors de criollos, descendants directs des Espagnols, d’Indiens remplacés rapidement au travail par des esclaves noirs et de métis qui deviennent les gauchos de la Pampa.

1829 : le général Rosas est appelé au gouvernement par les grands propriétaires terriens. Il gouverne par la terreur. Les intellectuels sont emprisonnés ou forcés à l’exil.
Rosas incarne le profil de tous les dictateurs militaires qui se succéderont en Argentine.

1852 : une coalition des dirigeants de Buenos Aires avec ceux d’autres provinces, sous la direction du caudillo Urquiza, met fin au régime de Rosas.

1853 : nouvelle constitution pour un état démocratique, présidentiel et fédéral, dont Urquiza devient le président.
Mais la guerre économique entre Buenos Aires et les provinces intérieures dure encore une vingtaine d’années.

1879 : le général Roca procède à un dernier nettoyage ethnique des Indiens, la Campagne du Désert.
Les Noirs, anciens esclaves, sont envoyés en premières lignes; peu en réchapperont, ce qui explique la très faible minorité noire en Argentine.
Les latifundia s’étendent encore plus dans la Pampa. Les moutons introduits dans ces immenses nouveaux pâturages se développent autant que les vaches précédemment ! 

L'Argentine, puissance économique

L’Argentine prend un essor économique considérable en cette fin du XIXème siècle. Jusqu’à devenir un des pays les plus riches dans les années vingt grâce à l’exportation de viande, de céréales et de textiles. Le prix de cet essor a été – comme en Amérique du Nord – en partie payé par les autochtones, dont les Indiens Araucans, Quichuas et Guaranís.

Buenos Aires est considérée comme le “Paris de l’Amérique du Sud” ou encore comme le “port de l’Extrême Europe”. Une forte immigration (surtout italienne, espagnole et allemande) y débarque. Elle porte la population de 1.300.000 habitants en 1859 à 8.000.000 en 1914, dont 1.400.000 à Buenos Aires. La ville et le port brassent ces hommes en surnombre. Elle devient par conséquent une destination importante de la prostitution, la traite des blanches.
Ces gens, d’origine, de culture et de langue différentes, vont
modifier la vie citadine, celle des criollos. Ils s’affirmeront eux aussi Porteños et auront leur langue : mélange d’italien et d’espagnol donnant un argot, le lunfardo, qui sera intégré par les paroliers dans de nombreux tangos.
Les immigrés, souvent sans travail, survivent par affinités d’origine dans les quartiers proches du port La Boca en est le plus connu comme berceau du tango et dans les faubourgs, souvent entassés dans des conventillos, grands immeubles à infrastructure sommaire autour d’une cour. Bien vite, la population de ces quartiers est aussi “encadrée” par le compadre, caïd du quartier, autour duquel gravitent des compadritos, voyous frimeurs à l’élégance criarde.